Temps de lecture : 12 minutes
Dernière mise à jour : Mai 2025
- Introduction
- Comprendre l’EMDR : principes clés pour le clinicien
- Préparer son cabinet à l’intégration de l’EMDR
- Formation et certification : comment devenir praticien EMDR ?
- Adapter sa pratique clinique à l’EMDR
- Retours d’expérience et témoignages de praticiens
- Erreurs courantes à éviter lors de l’intégration
- Conclusion et prochaines étapes
- FAQ
Introduction
En tant que professionnel de la santé mentale, vous êtes constamment à la recherche d’outils thérapeutiques efficaces pour mieux accompagner vos patients. L’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing) s’est imposé comme l’une des approches les plus prometteuses et validées scientifiquement pour le traitement des traumatismes psychiques, mais aussi pour d’autres troubles comme l’anxiété, la dépression ou les phobies.
Intégrer l’EMDR à votre pratique clinique existante représente un investissement significatif, tant sur le plan professionnel que personnel. Cet article vous guidera pas à pas dans cette démarche, en abordant les aspects pratiques, logistiques et éthiques de cette intégration.
« L’EMDR n’est pas seulement une technique thérapeutique, c’est un changement de paradigme dans la façon d’aborder le soin psychique » — Dr. Francine Shapiro, fondatrice de l’EMDR
Pourquoi intégrer l’EMDR dans votre pratique ?
- Efficacité prouvée : Reconnue par l’OMS, la HAS et de nombreuses études cliniques pour le traitement du TSPT et d’autres troubles
- Complémentarité : S’intègre harmonieusement avec d’autres approches thérapeutiques
- Satisfaction professionnelle : Offre des résultats souvent spectaculaires et rapides
- Réponse à une demande croissante : De plus en plus de patients sont informés des bénéfices de l’EMDR
Comprendre l’EMDR : principes clés pour le clinicien
Avant de vous lancer dans la formation EMDR, il est essentiel de comprendre les fondements théoriques et pratiques de cette approche.
Le modèle AIP en résumé
L’EMDR repose sur le modèle du Traitement Adaptatif de l’Information (AIP – Adaptive Information Processing). Selon ce modèle :
- Le cerveau possède un système naturel de traitement de l’information qui tend vers la guérison
- Les traumatismes et expériences négatives peuvent bloquer ce système
- L’EMDR permet de débloquer ce processus naturel en stimulant les mécanismes neurologiques par des stimulations bilatérales alternées
Ce modèle explique pourquoi l’EMDR permet souvent un retraitement rapide d’informations dysfonctionnelles stockées de manière inadaptée dans le cerveau.
Les différentes phases du protocole EMDR
Le protocole standard EMDR se déroule en plusieurs phases distinctes :
- Histoire du patient : Recueil d’informations et planification du traitement
- Préparation : Stabilisation et développement de ressources
- Psychoéducation Apporter des informations sur l’EMDR
- Évaluation : Identification et activation des cibles à traiter
- Désensibilisation : Application des stimulations bilatérales alternées
- Installation : Renforcement de la cognition positive
- Scanner corporel : Vérification et traitement des sensations physiques résiduelles
- Clôture : Stabilisation en fin de séance
- Réévaluation : Vérification des progrès au début de chaque nouvelle séance
Cette structure rigoureuse du protocole EMDR constitue à la fois sa force et un défi d’intégration dans votre pratique habituelle.
Préparer son cabinet à l’intégration de l’EMDR
L’intégration de l’EMDR dans votre pratique clinique nécessite quelques ajustements logistiques et matériels.
Matériel et conditions nécessaires
Contrairement à certaines idées reçues, la pratique de l’EMDR ne requiert pas d’investissement matériel considérable :
- Espace adapté : Une pièce calme permettant au patient de se concentrer
- Fauteuils positionnés correctement : Permettant un confort mais aussi une position favorable aux mouvements oculaires
- Outils de stimulation bilatérale :
- Mouvements oculaires : baguette adaptée
- Stimulations tactiles : tapotements alternés ou « vibreurs »
- Stimulations auditives : casque avec sons alternés
Notre conseil : Commencez avec le minimum nécessaire (votre main pour les mouvements oculaires) et investissez progressivement dans d’autres outils selon vos besoins et préférences.
Durée et rythme des séances EMDR
L’intégration de l’EMDR nécessite de repenser le format temporel de vos consultations :
- Séances initiales : Prévoir 60 à 90 minutes
- Séances de traitement : Idéalement 60 à 90 minutes (minimum 45 minutes)
- Fréquence recommandée : Hebdomadaire en phase active de traitement
Cette organisation temporelle diffère potentiellement de votre cadre habituel, ce qui nécessite une adaptation de votre planning et de votre tarification.
Formation et certification : comment devenir praticien EMDR ?
La qualité de votre formation déterminera largement votre capacité à intégrer efficacement l’EMDR dans votre pratique clinique.
Formations reconnues et accréditation
Pour garantir une pratique éthique et efficace, orientez-vous exclusivement vers des formations reconnues :
- En France : Formation EMDR de CAP AU 180
- International : EMDR Institute (USA)
Les critères essentiels d’une formation de qualité :
- Compétences avérées en Psychotraumatisme
- Respect du format standard (3 jours)
- Supervision en petits groupes (obligatoire)
- Pratique encadrée
- Formateurs certifiés
Important : Méfiez-vous des formations “EMDR-machin quelque chose” qui ne respectent pas les standards internationaux.
Adapter sa pratique clinique à l’EMDR
Intégrer l’EMDR ne signifie pas abandonner vos autres approches thérapeutiques, mais plutôt enrichir votre boîte à outils.
Quels patients sont adaptés ?
L’EMDR est particulièrement indiqué pour :
- Traumatismes psychiques : TSPT, traumatismes complexes, traumatismes développementaux
- Troubles anxieux : Phobies, troubles paniques, anxiété généralisée
- Dépression : Notamment liée à des événements de vie négatifs
- Deuils compliqués
- Addictions (avec protocoles spécifiques)
En revanche, certaines situations nécessitent des précautions particulières :
Contre-indications majeurs :
- Patients psychotiques décompensés
- Troubles dissociatifs sévères non stabilisés
- Phase aigüe de crise suicidaire
- Personnes ne pouvant assurer leur sécurité entre les séances
Articulation avec d’autres approches thérapeutiques
L’EMDR s’intègre remarquablement bien avec diverses approches :
- Avec les TCCE : Complémentarité parfaite, l’EMDR pouvant accélérer le traitement des croyances irrationnelles
- Avec l’approche psychodynamique : L’EMDR peut traiter les conflits internes identifiés
- Avec l’approche systémique : Application possible aux schémas relationnels dysfonctionnels
- Avec l’hypnose : Renforcement mutuel des capacités de focalisation et d’accès aux ressources
Dans votre pratique quotidienne, vous pouvez envisager plusieurs stratégies d’intégration :
- Approche séquentielle : Phases de thérapie « classique » alternant avec des phases EMDR
- Approche intégrée : Utilisation de l’EMDR comme outil au sein de votre cadre thérapeutique principal
- Approche ciblée : Réservée à certains patients spécifiques selon leurs problématiques
Retours d’expérience et témoignages de praticiens
Ce que l’EMDR a changé dans leur pratique
« Après 15 ans de pratique en TCC, l’intégration de l’EMDR a transformé ma façon d’accompagner mes patients. Les blocages qui prenaient des mois à surmonter se libèrent parfois en quelques séances. » — Marie L., psychologue clinicienne
« Ce qui m’a le plus surpris, c’est la profondeur du travail thérapeutique possible avec l’EMDR. On accède à des couches de l’expérience émotionnelle souvent inaccessibles par la parole seule. » — Thomas B., psychiatre
Conseils de terrain
Les praticiens expérimentés recommandent généralement :
- Commencer progressivement : Intégrer d’abord l’EMDR avec des patients stables présentant des problématiques bien définies
- Maintenir une supervision régulière : Même après la certification, garder un espace de discussion des cas complexes
- Adapter les protocoles : Apprendre à personnaliser l’approche tout en respectant le cadre méthodologique
- Prendre soin de soi : Le travail sur les traumas peut être éprouvant, d’où l’importance de votre propre équilibre
Erreurs courantes à éviter lors de l’intégration
Manque de formation et de supervision
L’erreur la plus fréquente consiste à sous-estimer l’importance d’une formation complète et d’une supervision adéquate :
- Formation insuffisante : L’EMDR n’est pas une simple technique mais une approche thérapeutique complète
- Supervision négligée : Essentielle pour affiner sa pratique et traiter les cas complexes
- Formation continue oubliée : L’EMDR évolue constamment avec de nouveaux protocoles
Forcer l’outil sur tous les patients
L’enthousiasme pour l’EMDR peut parfois conduire à des excès :
- Utilisation systématique : L’EMDR n’est pas adapté à toutes les situations ni à tous les patients
- Abandon des compétences antérieures : Vos autres outils thérapeutiques restent précieux
- Précipitation : Certains patients nécessitent une phase de stabilisation importante avant le traitement EMDR
Piège à éviter : Ne présentez pas l’EMDR comme une solution miracle à tous les problèmes. Cette approche, bien que puissante, s’inscrit dans une démarche thérapeutique globale.
Conclusion et prochaines étapes
Intégrer l’EMDR dans votre pratique clinique représente un investissement significatif mais potentiellement transformateur, tant pour vous que pour vos patients. Cette approche validée scientifiquement offre des outils puissants pour traiter efficacement de nombreux troubles, particulièrement ceux liés aux traumatismes psychiques.
Récapitulatif des étapes clés :
- Approfondir vos connaissances théoriques sur l’EMDR et le modèle AIP
- Choisir une formation reconnue et accréditée
- Prévoir le temps et le budget nécessaires à la formation et à la supervision
- Adapter progressivement votre cadre thérapeutique
- Commencer par des cas adaptés et bien définis
- Maintenir une pratique réflexive et une supervision régulière
- Évoluer vers des applications plus spécialisées selon vos intérêts
L’intégration de l’EMDR n’est pas une fin en soi, mais le début d’un cheminement professionnel enrichissant qui vous permettra d’offrir de nouvelles perspectives thérapeutiques à vos patients.
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FAQ
L’EMDR est-il compatible avec une pratique TCC ?
Absolument. L’EMDR et les TCC partagent une approche structurée et une attention portée aux cognitions. De nombreux thérapeutes TCC intègrent l’EMDR avec succès, utilisant par exemple les TCC pour la stabilisation et l’EMDR pour le traitement des mémoires traumatiques sous-jacentes.
Quelle formation EMDR choisir en tant que psychologue ?
Privilégiez uniquement les formations reconnues par les organismes de formation qui respectent les standards internationaux : formation solide, pratique supervisée, formateurs certifiés.
Évitez les formations raccourcies qui ne vous permettent pas d’exercer dans les règles de l’art.
Combien de temps faut-il pour maîtriser l’EMDR ?
La formation initiale permet de commencer à pratiquer, mais la maîtrise de l’EMDR s’acquiert progressivement sur 1 à 2 ans avec une pratique régulière et supervisée.
Les psychothérapeutes rapportent généralement un sentiment d’aisance après environ 30 cas traités.
Peut-on pratiquer l’EMDR sans supervision ?
Techniquement oui, mais ce n’est pas recommandé sur le plan éthique et pratique. La supervision est essentielle pour garantir une pratique sécurisée et efficace, surtout face aux cas complexes. Même les praticiens expérimentés maintiennent généralement une supervision, au moins ponctuelle.