EMDR therapie

EMDR : Le Guide Ultime pour les Professionnels de Santé

De la Découverte aux Neurosciences : Tout Comprendre sur la Thérapie qui Révolutionne le Traitement du Traumatisme

Introduction : Au-delà du Mouvement des Yeux, une Révolution Thérapeutique

La thérapie EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing), ou Intégration Neuro-Émotionnelle par les Mouvements Oculaires, s’est imposée en trois décennies comme une approche psychothérapeutique incontournable dans le traitement des troubles psychotraumatiques. Souvent médiatisée et parfois simplifiée à sa technique la plus visible, les mouvements oculaires, l’EMDR est en réalité une méthode complexe, profondément ancrée dans les neurosciences et dont la rigueur du protocole n’a d’égal que l’efficacité, aujourd’hui validée par les plus hautes instances de santé mondiales, de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) à la Haute Autorité de Santé (HAS) en France.

Ce guide a été conçu pour être la ressource francophone la plus complète et la plus fiable pour les professionnels de la santé mentale. Notre ambition est de dépasser les idées reçues pour offrir une compréhension approfondie de ses fondements théoriques, de son protocole en huit phases, de ses champs d’application de plus en plus larges et des données scientifiques qui assoient sa légitimité.

1. Histoire et Origines de l’EMDR : La Promenade qui a Tout Changé

L’histoire de l’EMDR est indissociable du parcours de sa créatrice, Francine Shapiro (1948-2019). En 1987, cette psychologue américaine, alors en promenade, fait une observation qui va changer le cours de sa vie et celui de la psychothérapie. Elle remarque que ses pensées négatives et anxiogènes s’apaisent spontanément lorsqu’elle effectue des mouvements oculaires rapides de gauche à droite.

La découverte de l’EMDR
« Je me promenais et j’ai remarqué que des pensées dérangeantes qui me venaient à l’esprit disparaissaient soudainement. J’ai aussi remarqué que lorsque cela se produisait, mes yeux bougeaient spontanément et très rapidement d’avant en arrière en diagonale. J’ai commencé à le faire délibérément et j’ai remarqué que cela fonctionnait. Les pensées perdaient de leur charge négative. » – Francine Shapiro

Intriguée, elle systématise son observation et développe un protocole. En 1989, elle publie sa première étude contrôlée, introduisant une technique qu’elle nomme EMD (Eye Movement Desensitization). Rapidement, elle réalise que les mouvements oculaires ne font pas que désensibiliser ; ils semblent activer un retraitement de l’information. L’EMD devient alors l’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing).

2. Le Modèle du Traitement Adaptatif de l’Information (TAI)

Le fondement théorique de l’EMDR est le modèle du Traitement Adaptatif de l’Information (TAI). Ce modèle postule que le cerveau humain possède un système physiologique inné de traitement de l’information qui lui permet de « digérer » les expériences de vie et de les intégrer de manière adaptative.

En temps normal : Le cerveau traite les informations (pensées, émotions, sensations) et les stocke dans des réseaux de mémoire de manière fonctionnelle.

Lors d’un traumatisme : Le système de traitement de l’information est submergé. Le souvenir traumatique est stocké de manière brute, fragmentée et dysfonctionnelle, avec toutes les perceptions sensorielles, les émotions et les pensées négatives de l’époque. Il n’est pas intégré et peut se réactiver à tout moment.

L’EMDR, par les stimulations bilatérales alternées (SBA), viendrait « débloquer » et réactiver ce système de traitement de l’information, permettant au cerveau de retraiter le souvenir traumatique et de l’intégrer de manière saine.

3. Le Protocole EMDR : Une Procédure Structurée en 8 Phases

L’EMDR n’est pas une technique, mais un protocole psychothérapeutique complet et rigoureux. Chaque phase a son importance et garantit la sécurité et l’efficacité du traitement.

 

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Phase Nom Objectifs & Déroulement
1 Prise d’Histoire Objectif : Établir une relation thérapeutique solide, comprendre l’histoire du patient, identifier les souvenirs traumatiques cibles et élaborer un plan de traitement. C’est une phase de diagnostic et de conceptualisation du cas.
2 Préparation Objectif : Préparer le patient au traitement. Le thérapeute explique le processus, s’assure du consentement éclairé et équipe le patient d’outils de stabilisation émotionnelle (exercices de respiration, technique du « Lieu Sûr »).
3 Évaluation Objectif : Activer le réseau de mémoire dysfonctionnel. Le patient choisit une image du souvenir, identifie la cognition négative (« Je suis en danger »), la cognition positive souhaitée (« Je suis en sécurité maintenant »), et évalue la perturbation (échelle SUD de 0 à 10) et la validité de la cognition positive (échelle VOC de 1 à 7).
4 Désensibilisation Objectif : Retraiter le souvenir. Le patient se concentre sur l’image, la cognition négative et les sensations, pendant que le thérapeute applique des séries de stimulations bilatérales. Entre chaque série, le patient partage ce qui lui vient à l’esprit. Le processus se poursuit jusqu’à ce que le SUD soit à 0 ou 1.
5 Installation Objectif : Renforcer la cognition positive. La cognition positive est associée au souvenir initial, et des séries de stimulations sont appliquées jusqu’à ce que la VOC atteigne 7 (totalement vraie).
6 Scanner Corporel Objectif : Vérifier l’absence de sensations corporelles négatives. Le patient passe en revue son corps mentalement pour s’assurer qu’aucune tension résiduelle n’est présente. Si c’est le cas, de nouvelles stimulations sont appliquées.
7 Clôture Objectif : Terminer la séance en toute sécurité. Le thérapeute s’assure que le patient est dans un état de stabilité émotionnelle, même si le retraitement n’est pas terminé. Il rappelle les techniques de stabilisation et prépare le patient à ce qui peut émerger entre les séances.
8 Réévaluation Objectif : Vérifier l’intégration du traitement. Au début de la séance suivante, le thérapeute vérifie si le souvenir traité est toujours neutre et si de nouveaux souvenirs n’ont pas émergé.

4. Efficacité Scientifique : Ce que Disent les Études

L’EMDR est l’une des thérapies pour le TSPT les mieux validées scientifiquement. Des centaines d’études contrôlées randomisées et de méta-analyses ont été publiées.

[Graphique sur l’efficacité comparée de l’EMDR – Voir image ci-dessous]

 

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Ce qu’il faut retenir :

Haut Taux de Rémission : Les méta-analyses montrent des taux de rémission du TSPT allant de 77% à 90% après un traitement EMDR complet.

Efficacité Comparable aux TCC : L’EMDR est reconnu comme étant aussi efficace que les Thérapies Cognitivo-Comportementales (TCC), qui sont l’autre traitement de référence.

Rapidité du Traitement : Plusieurs études suggèrent que l’EMDR pourrait être plus rapide que les TCC, nécessitant souvent moins de séances pour atteindre des résultats similaires.

Moins d’Abandons : Le taux d’abandon en cours de thérapie est généralement plus faible en EMDR qu’en TCC, probablement car le patient n’a pas besoin de raconter en détail son traumatisme de manière répétée.

5. Champs d’Application : Bien au-delà du TSPT

Initialement conçue pour le TSPT, l’efficacité de l’EMDR s’est révélée bien plus large. Elle est aujourd’hui utilisée pour une multitude de troubles où des expériences de vie difficiles sont en jeu.

Catégorie Indications Spécifiques et Efficacité
Troubles Anxieux Particulièrement efficace pour les phobies, le trouble panique et l’anxiété sociale, en ciblant les expériences à l’origine de l’anxiété.
Dépression Très pertinent pour les dépressions réactionnelles ou lorsque des événements de vie douloureux (deuils, séparations, humiliations) contribuent au maintien de l’état dépressif.
Douleurs Chroniques L’EMDR peut réduire la perception de la douleur et la détresse émotionnelle associée dans des conditions comme la fibromyalgie, les migraines ou les douleurs du membre fantôme.
Addictions Utilisé pour traiter les souvenirs liés aux premières consommations, les déclencheurs (triggers) et les rechutes, afin de réduire le craving.
Troubles Alimentaires Aide à traiter les expériences négatives liées à l’image du corps, à la nourriture ou aux relations interpersonnelles qui sous-tendent le trouble.
Deuil Compliqué Permet de retraiter les aspects traumatiques du décès (annonce, images choquantes) pour permettre au processus de deuil naturel de se dérouler.

6. Foire Aux Questions (FAQ) pour les Professionnels

Q1 : L’EMDR est-elle une forme d’hypnose ?
Non. En EMDR, le patient reste conscient, pleinement alerte et en contrôle tout au long de la séance. Il est un acteur actif de son traitement, alors que l’hypnose induit un état de conscience modifié.
Q2 : Le patient doit-il raconter son traumatisme en détail ?
Non, et c’est l’un des grands avantages de l’EMDR. Le patient doit juste avoir le souvenir à l’esprit. Il n’est pas nécessaire de le verbaliser en détail, ce qui réduit le risque de retraumatisation et de détresse.
Q3 : Les mouvements oculaires sont-ils indispensables ?
Les mouvements oculaires sont la forme de stimulation bilatérale la plus courante, mais des stimulations tactiles (tapotements sur les genoux ou les mains) ou auditives (sons alternés dans un casque) peuvent être utilisées et sont tout aussi efficaces.
Q4 : Combien de temps dure une thérapie EMDR ?
La durée est variable. Pour un traumatisme simple (ex: accident de voiture), 3 à 6 séances peuvent suffire. Pour des traumatismes complexes et répétés (enfance), la thérapie peut durer plusieurs mois, voire plus.
Q5 : Tout psychologue peut-il pratiquer l’EMDR ?
Non. La pratique de l’EMDR requiert une formation spécialisée et certifiée par les associations EMDR nationales et européennes. Elle est réservée aux professionnels de la santé mentale diplômés.
Q6 : L’EMDR peut-elle être dangereuse ?
Pratiquée par un professionnel formé, l’EMDR est une thérapie sûre. Le protocole est conçu pour garantir la sécurité émotionnelle du patient à chaque étape. Une mauvaise pratique par une personne non formée peut cependant être déstabilisante.
Q7 : Comment l’EMDR est-il intégré dans une prise en charge globale ?
L’EMDR est une approche thérapeutique complète qui peut être utilisée seule ou intégrée dans un plan de traitement plus large, en complément d’autres approches (TCC, thérapie systémique, etc.).
Q8 : Quelles sont les dernières avancées de la recherche en EMDR ?
La recherche actuelle se concentre sur les mécanismes neurobiologiques de l’EMDR (via l’imagerie cérébrale), son application à de nouvelles pathologies (psychose, troubles bipolaires stabilisés) et son utilisation en groupe ou à distance (téléthérapie).

Conclusion : Un Outil Essentiel pour la Pratique Clinique du 21ème Siècle

L’EMDR a transcendé son statut de « nouvelle thérapie » pour devenir un pilier du traitement des troubles psychotraumatiques. Sa base théorique solide (le modèle TAI), son protocole rigoureux et l’accumulation impressionnante de preuves scientifiques en font un outil indispensable pour tout professionnel de la santé mentale souhaitant offrir à ses patients une prise en charge efficace, profonde et souvent plus rapide que les approches traditionnelles.

En permettant au cerveau de réactiver ses propres capacités de guérison, l’EMDR ne se contente pas de soulager les symptômes ; il restaure la capacité de l’individu à intégrer son passé pour vivre pleinement son présent.


Références

[1] Organisation Mondiale de la Santé. (2013). Guidelines for the Management of Conditions Specifically Related to Stress. Geneva: WHO.

[2] Haute Autorité de Santé. (2007). Guide pratique sur la prise en charge de l’état de stress post-traumatique.

[3] Shapiro, F. (1989). Efficacy of the eye movement desensitization procedure in the treatment of traumatic memories. Journal of Traumatic Stress, 2(2), 199-223.

[4] Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM). (2015). Expertise collective sur les psychothérapies.

[5] Tesarz, J., Leisner, S., Gerhardt, A., Janke, S., Seidler, G. H., Eich, W., & Hartmann, M. (2014). Effects of eye movement desensitization and reprocessing (EMDR) on non-specific chronic back pain: a randomized controlled trial. Journal of pain, 15(2), 159-169.

 

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